- you can change right next to me (moïra) -

« Merci Matt! » Ta voix se transporte dans le petit restaurant thaïlandais jusqu’au cuisinier qui te fait un signe de la main alors que le jeune homme à la caisse te donne un sac dont l’odeur te fait déjà saliver. Le restaurant se trouvant qu’à quelques blocs de l’hôpital, tu es devenue une habituée et tu t’assures de toujours bien remercier ceux qui s’occupent de te nourrir sur une base un peu trop régulière. Ce midi, tu n’es pas la seule qu’ils nourrissent toutefois alors que ton sac contient deux pad thai, un au poulet pour toi et un au bœuf pour Moïra à qui tu as donné rendez-vous pour dîner. Ça fait quelques temps que vous n’avez pas réellement eu la chance de vous parler toutes les deux, n’échangeant que quelques messages ici et là alors que vous composez toutes les deux avec vos nouvelles réalités. Toi sans ton frère, elle sans son mari, des réalités qui font mal, qui donnent envie de pleurer vraiment. Mais malgré tout, tu tiens à être là pour elle, comme tu l’es depuis si longtemps déjà. Moïra, c’est ta plus vieille amie. Vous avez grandi ensemble, faits les quatre cent coups ensemble. T’as eu ta première brosse avec elle, t’as vécu ton premier coeur brisé auprès d’elle et vice versa, c’est vraiment difficile pour toi d’imaginer un monde ou vous n’êtes pas proches l’une de l’autre. Vous avez beau être occupées chacune de votre côté pour un certain temps, vous trouvez toujours le moyen de vous raccrocher l’une à l’autre lorsque c’est réellement nécessaire, et c’est comme si les semaines, les mois même parfois ne s’étaient jamais frayés de chemin entre vous.

Tu sors du restaurant, la clochette annonçant arrivée et départ sonnant derrière toi et tu te diriges vers l’hôpital ou vous vous êtes donner rendez-vous. Tu regardes furtivement ton téléphone pour t’assurer que tu n’es pas en retard ou que tu n’as pas reçu un message de la jeune Coleman. Tu empresses le pas alors que ton ventre cri famine, comme un rappel soudain que tu n’as rien mangé depuis que tu es levé ce matin là. Toi qui n’a jamais été très douée avec ta gestion du temps, c’est devenu encore bien plus complexe de tout faire avec un gamin qui n’aime pas toujours coopérer à la première heure. Tu sais que tu dois devenir un peu plus responsable maintenant que tu dois aussi t’occuper de quelqu’un d’autre en dehors de toi-même, mais c’est tellement un gros changement et tu mets plus de temps que tu t’imaginais à t’adapter à la présence de ce petit bout d’humain. Tu passes les grandes portes de l’hôpital et tu échanges quelques regards par politesse avec ce que tu crois être un infirmier et une préposée alors que tu te diriges rapidement vers la cafétéria. T’es pas surprise de voir que la jeune Coleman est déjà là assise à t’attendre et c’est avec un sourire aux lèvres que tu te diriges vers sa table. « Ça fait trop plaisir de te voir! » Ça sonne exagéré, mais c’est la pure et simple vérité. Toi qui peine à mettre un pied devant l’autre depuis quelque temps, c’est comme une bouffée d’air frais que de poser tes yeux sur cette femme qui t’est plus que familière. Cette amie qui te connaît aussi bien que tu ne l’as connais. Cette personne avec qui parfois les mots sont inutiles, il n’y a qu’à se regarder pour savoir, pour comprendre. Tu déposes le sac sur la table devant elle et t’empresse de passer tes bras autour d’elle, dans une embrassade un peu maladroite mais qui t’arrache un petit rire. « J’me suis dis que je t’éviterais la traditionnelle bouffe d’hôpital en allant nous chercher des pad thaï. » Tu t’assois devant elle et sort les deux repas, poussant l’un d’eux vers ton amie. « J’ai environ une heure avant mon prochain suivi, c’est pas des masses mais ça devrait nous donner le temps de se parler un peu. J’ai l’impression qu’on a pas eu la chance de se croiser beaucoup dernièrement. » Tu ouvres ton plat, l’odeur de thaïlandais si omniprésente que tu reçois quelques regards d’autres docteurs et patients dans la cafétéria.

@moïra coleman

Comme si ça pouvait m'porter malheur de croire à mon propre bonheur.

Sage & Moïra

Claquant son torchon contre le bar, Moïra frotte frénétiquement afin d'enlever toutes traces de quelconques liquides. Elle jette un oeil à l'horloge accrochée juste au-dessus de la porte d'entrée : il est onze heures quarante-cinq. Elle lâche un soupir. Lorsqu'elle a accepté de remplacer son patron, elle était loin d'imaginer qu'il y aurait autant de monde en une mâtiné. Quel genre de personne a l'idée de venir boire un verre dans un pub de bon matin? Apparemment beaucoup de monde. Malgré tout, elle avait accepté l'offre de son boss sans vraiment réfléchir. Depuis qu'elle était seule à payer les factures et les traites de la maison, elle ne pouvait pas se permettre de faire la fine bouche, l'argent manquant clairement au sein de son foyer. Cependant, cela devenait de plus en plus compliqué de tenir le rythme. Elle avait fermé le bar à trois heures cette nuit, était rentrée chez elle et s'était directement penchée sur ses cours du soir; se payant seulement le luxe d'une bonne douche et d'un changement de vêtements, elle était de nouveau sur le pont à sept heures tapantes. C'était comme ça plusieurs fois par semaine, depuis que son patron avait décidé d'ouvrir un nouveau pub et qu'il souhaitait superviser l'avancée des travaux. Alors les heures de sommeil manquent et elle devient de plus en plus bancale, Moïra.
« Moïra, viens-là et remet-moi la même chose. » entend-elle alors à l'autre bout du bar. Elle s'arrête alors un instant et lève les yeux au ciel. « Rentre chez toi Tim. Ta femme t'attend sûrement. » rétorque-t-elle. Tim était un habitué du bar. Un peu trop d'ailleurs. Ce dernier se met à rire doucement puis vient s'installer en face d'elle. « J'aime cette manière très subtile que tu as pour me demander si j'ai quelqu'un dans ma vie. Mais tu sais très bien que je suis tout à toi chérie. Allez, sers-moi ce verre. » lance-t-il, alors qu'elle le fusille du regard. C'était son lot quotidien. Les mecs bourrés, les remarques sexistes, les graveleuses et les dragues de bas étages. Ses prunelles déshabillent Moïra du regard. Il se mort la lèvre et finit par s'accouder au bar, son visage beaucoup trop proche de celui de la jeune femme qui pouvait sentir les effluves d'alcool, lui filant la gerbe. « Et j'aime beaucoup ce chemisier qui met en avant cette paire de seins. Ils ont grossi depuis la dernière fois, c'est ton mec qui doit être content de jouer avec... » dit-il. Il n'a même pas le temps de finir sa phrase que sa main vient s'abattre sur la joue de l'homme. « Dégage. Tout de suite. » ordonne-t-elle, alors que Tim finit par abdiquer, prenant la direction de la sortie, en jurant.
(...) Trente minutes plus tard, Moïra piétine dans la cafétéria de l'hôpital afin de trouver une place et d'y attendre Sage. Cela faisait un petit moment qu'elles ne s'étaient pas vu et ce rendez-vous tombait vraiment bien. Ces derniers temps, elle n'avait pas été vraiment ce qu'on peut appeler une bonne amie, donnant des nouvelles une fois de temps en temps seulement, plonger dans une bulle complètement floue et dont elle n'avait pas le contrôle. Et puis elle était sans doute aussi un peu honteuse. Honteuse de lui mentir depuis si longtemps sur autant de choses. D'abord en lui cachant le fait qu'elle prenait des cours du soir afin de se tirer de ce sale boulot. En lui cachant sa maladie aussi. Ça, c'était son doute le plus compliqué étant donné qu'elle était médecin et qu'elle avait peur qu'à tout moment, elle la démasque. Et dernier point, sans doute le plus important : sa nuit avec Val. Sage n'a clairement jamais porté Avalon dans son coeur et Moïra n'imagine que trop bien la déception dans son regard si jamais elle lui révélait son petit secret.
Elle finit par soupirer, chassant ses mauvaises pensées de son esprit. Un large sourire vient étirer ses lèvres lorsqu'elle voit la tête de Sage s'approcher de la table. « Moi aussi, t'imagine même pas à quel point! » s'exclame-t-elle alors que son regard suit la silhouette de son amie s'installant près d'elle. Vous vous étreignez rapidement. Un rictus s'échappe de ses lèvres lorsqu'elle évoque la nourriture de l'hôpital. « Quelle grandeur d'âme Merino, j'suis épatée. » lui fait-elle remarquer. Moïra et sa fâcheuse habitude d'appeler tout le monde par leur nom de famille. Cela pouvait paraitre très condescendant pour certains, mais c'était purement et simplement une marque d'affection. Alors que Sage lui tend son repas de ce midi, les odeurs émanant du plat lui parvient aux narines, ce qui lui noue directement l'estomac et lui soulève de coeur. Elle n'entend même pas ce que lui dit son amie, n'arrivant qu'à se concentrer que sur l'odeur de la nourriture thaï. Par politesse, elle ne dit rien et se contente de sourire, entendant la fin de la phrase de Sage. « Une éternité même! Alors, dis-moi comment tu vas? Et Milo? » lance-t-elle, tentant de faire la conversation afin de penser à autre chose.

AVENGEDINCHAINS
@Sage Merino

Ça te fait du bien de serrer Moïra dans tes bras, de vous retrouver là, au milieu de la cafétéria de l’hôpital comme vous avez toujours l’habitude de le faire. Pour un instant seulement, t’es presque capable de prétendre que vous êtes deux ans en arrière et que tout va bien. Que Gabe est toujours dans le portrait, rendant ta meilleure amie plus heureuse qu’elle ne l’a jamais été, et que Matias est encore là, à te rendre la vie dure, à te faire chier de cette façon que seul les grands frères sont capables. Tu oublies un instant que Gabe est disparu, que Matias est mort. Tu oublies un instant que la vie semble s’acharner sur vous alors que vous essayez pourtant de faire de votre mieux, tous les jours. T’es un putain de médecin après tout, tu passes tes journées à aider les femmes à mettre de nouvelles vies au monde, tu en sauves quelques unes aussi quand les choses se compliquent, il me semble que ça te vaut un peu de bon karma tout ça, non? Tu hoches vaguement la tête, te replongeant les deux pieds dans le moment présent. Au moins, elle est là. Au moins ensemble, vous vous aider à avancer. Quand le poids de la réalité devient trop lourd pour une, l’autre est là pour aider, soulager un peu cette douleur qui vous suit partout, malgré tout. Tu es un peu distraite, mais pas autant qu’elle, alors qu’elle ne semble pas porter la moindre attention à ce que tu lui dis. Elle retrousse le nez un peu aussi, dans une expression de dégoût qu’elle tente de cacher mais que tu perçois quand même parce que c’est ce qui arrive quand tu connais quelqu’un depuis plus de vingt ans; le moindre changement facial devient facile à deviner. « Est-ce que ça va? Tu fais une tête bizarre. » Tu hausses légèrement les épaules, te concentrant plutôt sur ton repas alors que tu enfiles une bouchée après l’autre, avec appétit pour une fois. Tu ne manges plus beaucoup depuis quelques mois, tu as perdu du poids que ta mère dit chaque fois qu’elle te voit. Elle serait contente de te voir dévorer ton pad thaï, ça c’est certain.

« Je vais bien, je travaille, je me change les idées comme je peux, comme d’habitude quoi. Milo aussi va bien. Il a passé l’après-midi avec Ripley hier, il était tellement heureux de me dire qu’il lui avait acheté une gaufre au Nutella, t’aurais cru que c’était le plus beau jour de sa vie. » Il y a un sourire qui s’installe bêtement sur tes lèvres alors que tu prononces le nom de Ripley, tu te demandes si elle le remarque, la Coleman. Tu lèves légèrement les yeux vers elle, mais la seule chose que tu remarques, c’est qu’elle n’a toujours pas ouvert son plat et qu’elle ne semble vraiment pas dans son assiette soudainement. Mais tu ne dis rien pour le moment. Tu crois sincèrement que si elle a envie d’en parler, elle va te le dire. Et toi, tu as cette envie folle de partager enfin avec quelqu’un ces drôles de pensées qui t’habitent depuis quelque temps, chaque fois que tu vois le jeune Wyatt, chaque fois que image te vient à l’esprit, chaque fois que son nom apparaît sur ton téléphone. Comme un secret soudainement trop lourd à porter pour toi seule. « D’ailleurs, faut que je te dise quelque chose. Au sujet de Ripley... » Tu hésites toutefois. T’as peur de le dire à voix haute. Parce que de finalement admettre à voix haute que tu penses avoir des sentiments pour le chirurgien, c’est mettre à risques dix ans d’amitié et t’es pas certaine que t’es prête à faire le grand saut. Pas prête à franchir le pas et certainement pas prête à l’idée de le perdre si tes sentiments s’avéraient être à sens unique. Et puis tu penses à Milo. Milo qui parle de Ripley avec tellement d’admiration et de bonheur, tu ne peux pas prendre le risque que ton neveu perdre contact avec une personne de plus. Alors tu te mords la langue, tu te retiens, tu ne dis rien. Et tu réalises que ton amie ne semblait pas super attentive de toute façon, alors qu’elle semble avoir perdu un peu de couleur dans son visage, et qu’elle peine à te regarder droit dans les yeux. « Moïra? T’es certaine que ça va? T’as pas touché à ton plat et on dirait que t’es sur le point de vomir.. » Tu hausses le sourcil, réellement curieuse face à l’état incertain de la jeune Coleman.

@moïra coleman

Comme si ça pouvait m'porter malheur de croire à mon propre bonheur.

Sage & Moïra

Doucement, son coude vient se poser contre la table et sa tête dans la paume de sa main. Moïra regarde Sage, un long moment, d’un oeil soudainement attendri. Elles en avaient fait du chemin toutes les deux depuis toutes ces années. Elles n’avaient pas forcément attrapé les mêmes chemins, arpenté les mêmes pentes, eu les mêmes obstacles mais une chose ne changeait pas : à chaque ligne d’arrivée, l’autre était bien là. Elle avait vu Sage passer de la petite fille pétillante à cette jeune fille pleine d’ambitions pour finalement devenir une femme incroyablement forte et indépendante. Elle l’avait vu pleurer à chaudes larmes lors de son premier chagrin d’amour, elle l’avait vu douter quand à son avenir, s’endormir littéralement sur ses cours à force d’acharnement, elle avait vu cette flamme et cette joie lorsqu’elle avait eu ses examens. Et puis elle l’a vu s’effondrer, se faner, perdre une partie d’elle-même, comme ça, sans crier gare. Alors la brune a mis sa propre peine et son coeur de côté, à attraper les morceaux de celui de Sage pour tenter de le rafistoler, petit à petit, pas après pas, sans rien demander en retour. Parce que c’est ce que Sage avait fait lorsque Gabriel avait disparu. Et parce qu’elles s’aimaient sans conditions, sans a priori, juste comme ça, en silence et en actes depuis plus de vingt ans.
Et puis elle l’a regarde déposer cette nourriture sur la table et elle voit bien qu’il y avait quelque chose de différent par rapport à d’habitude. Visuellement, ces plats avait l’air parfaitement appétissants. Vraiment. D’habitude, elle se serait clairement rué dessus et aurait même dû freiner ses ardeurs si jamais une crise de boulimie pointait le bout de son nez. Hors, à ce moment précis, il y avait toutes ces effluves mélangées, fortes, embaumant toutes la pièce, prenant toute la place et qui lui soulevait clairement l’estomac. Alors elle tente de garder sa contenance Moïra, après tout cela partait d’une bonne intention venant de Sage et elle ne veut surtout pas se montrer impolie ou la vexer. Son esprit en pleine négociation avec son corps pour qu’elle puisse profiter de ce court moment, une voix la fait sortir de ses songes. Elle secoue donc la tête et ses prunelles se reposent soudainement sur son amie. Elle pince les lèvres pour finalement sourire. « Euh oui tout va bien, j’suis juste un peu fatiguée. J’enchaîne les heures au pub, tu sais ce que c’est, il faut bien payer les factures, tout ça... » répond-t-elle. Ce n’était pas totalement un mensonge. En ce moment, elle tente tant bien que mal d’enchaîner ses horaires de travail avec ses cours du soir, qui se transforment la plupart du temps en cours de nuit. Le rythme devenait vraiment soutenu, même pour elle qui avait l’habitude, au point qu’elle s’arrêtait seulement pour manger un petit morceaux ou prendre une douche. Avec tout ça, les crises de boulimie s’était même espacées sans qu’elle ne s’en rende compte. Elle aurait vraiment besoin d’une bonne nuit de sommeil, mais ça, ce n’était pas prêt d’arriver. Elle avait besoin d’argent et elle ne comptait pas arrêter ses études qu’elle avait mis tant de temps à se décider à faire.
Moïra ferme furtivement les yeux, se mordant la lèvre, tentant de réfreiner les hardeurs de son estomac. A moins que ce soit son foie, elle ne savait pas, mais quelque chose d’anormal se passait. Alors elle est là, sans être là. Elle entend la voix de Sage sans en entendre le contenu précis. Elle acquiesce, sourire aux lèvres, comme si elle comprenait totalement ce qu’elle lui disait, même si c’est faux. Intérieurement, elle se maudit d’être une aussi mauvaise amie en ce moment. Sage pourrait lui reprocher un million de fois qu’elle ne chercherait pas à la contredire. Ses yeux se posent une nouvelle fois sur elle et la voir se goinfrer comme si elle n’avait pas mangé depuis des semaines ne fait qu’accentuer son mal-être. Cela venait par vagues, de plus en plus écrasantes. Et puis elle commençait à avoir chaud, terriblement chaud. Elle finit par enlever sa veste et son poing vient se poser contre sa bouche alors qu’elle entend finalement son amie qui a l’air de s’inquiéter pour elle. Au même moment, une énième vague qui elle parait la submerger. « Excuse-moi. » finit-elle par dire alors qu’elle se lève précipitamment de table, courant vers les toilettes les plus proches du coin, chérissant presque le fait de connaître l’endroit où elles se trouvent. Refermant la porte derrière elle, elle se libère de ce poids. C’était clairement le mot. Une libération. Quelques minutes plus tard, elle finit par sortir des toilettes et se poster devant un des lavabos afin de se passer de l’eau sur le visage, se demandant clairement ce qui était en train de se passer.

AVENGEDINCHAINS
@Sage Merino

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Tu souries à ton amie, mais une inquiétude soudaine vient se placer dans ton regard. T’as l’impression qu’il y a quelque chose qui ne va pas, mais t’es incapable de mettre le doigt sur ce qu’il s’agit. Tu sais que la jeune Coleman est plus qu’occupée entre son boulot et ses études, tu vois la fatigue qui l’habite de part ses traits tirés, son incapacité à se concentrer sur ce que tu lui dis. Malgré tes propres drames et tes propres malheurs, t’aimerais tellement pouvoir enlever ce poids qu’elle semble traîner partout depuis la disparition de son mari. Le même genre de poids que tu portes toi-même depuis la mort de ton frère. Le genre de poids, qui malgré toutes les bonnes intentions de ceux qui nous sont proches, ne se partagent pas et disparaît tranquillement seulement avec l’aide du temps. Tu prends une bouchée de plus de ton plat alors que ton amie se pince les lèvres, le couvercle encore sur son repas. Tu hausses les sourcils, de plus en plus inquiète devant le comportement atypique de ta vieille amie. « Tu m’le dirais si tu avais besoin d’aide, pas vrai? » C’est toujours un peu délicat comme sujet, de parler d’argent entre amis, mais tu ne peux pas t’empêcher ne serait-ce que de t’assurer que tout va bien, qu’elle y arrive. Tu détestes la simple idée qu’elle soit en train de s’épuiser entre le bar et l’école, à vouloir trop en faire en trop peu de temps, mais tu l’as connais, quand elle commence quelque chose, elle tient absolument à le faire jusqu’au bout et t’es tellement fière d’elle pour ça. Tu ne veux juste pas qu’elle se rende malade pour réussir.

Et puis soudainement, elle se lève abruptement et coure en direction des toilettes, une main plaquée contre sa bouche et son nez et tu réalises pourquoi elle n’a pas toucher à son repas. Un mal de coeur qui semble soudain, ne serait-ce que parce qu’elle ne t’a rien dit à ce sujet et que si elle se savait malade, elle ne serait pas venue tout bonnement à ta rencontre. Tu échappes un long soupir, ton inquiétude se multipliant. Tu laisses quelques minutes s’écouler avant de te diriger à ton tour vers les toilettes. Tu pousses légèrement la porte, sans entrer complètement dans la pièce. « Hey, est-ce que ça va? Je peux entrer? » Elle est accotée contre un lavabo et tu n’attends pas sa réponse avant de rentrer dans la salle de bain et tu refermes la porte derrière toi. Elle semble déjà un peu mieux, reprendre un peu de couleurs et tu te demandes qu’est-ce qui a pu se passer pour que la nausée vienne si brutalement d’un coup et disparaisse la seconde suivante. Mais tu ne te le demandes pas longtemps, parce que tu connais la bonne réponse à cette question. Tu les côtoies à tous les jours, celles qui sont prises de nausées soudaines, qui viennent et qui partent, aléatoires et sans merci. Ton amie te fait dos et t’es contente qu’elle ne puisse pas voir la surprise qui habite ton visage. Moïra, enceinte? Tu peines à y croire, non seulement parce que ça ne ressemble pas à la jeune femme d’être imprudente, mais par dessus-tout, tu ne savais même pas qu’elle fréquentait quelqu’un, ou si même elle fréquente quelqu’un. « Tu vas mieux? C’est l’odeur du thaï qui t’as dérangé? » Tu essayes de lui offrir un sourire, mais t’es encore tellement sous le choc que t’as le visage un peu figé. T’es pas certaine si Moïra le sait ou si elle se doute, t’aimes même te faire croire que c’est peut-être autre chose. Une intoxication alimentaire peut-être. « Ça fait longtemps que t’as des nausées comme ça? »

@moïra coleman

» change your mind (nola)
» moïra's phone.
» souffle sur la lune. (moïra)
» yeux disent. (moïra)